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Stimuler le cortex orbitofrontal pour modifier la prise de décision économique

10/11/2020

Des chercheurs de l’Université Washington à Saint-Louis sont parvenus à mieux comprendre le processus physiologique à l’œuvre dans le cerveau lors d’une prise de décision économique. Prouvant que les signaux de valeur identifiés dans le cortex orbitofrontal étaient bien impliqués dans la prise de décision. Explications avec Sébastien Ballesta, maître de conférences au Laboratoire de neurosciences cognitives et adaptatives, qui a participé à cette étude parue dans Nature.

Sébastien Ballesta est chercheur au
Laboratoire de neurosciences cognitives
et adaptatives (LNCA). Crédits DR

Une théorie des économistes stipule qu’un individu prend des décisions d’ordre économique en fonction de la valeur subjective qu’il donne aux différentes options. « Par exemple au restaurant quand je lis le menu j’intègre la qualité que j’accorde aux différents plats et le coût dans mon évaluation. La comparaison entre la valeur subjective de chaque option permet la prise de décision », explique Sébastien Ballesta qui s’intéresse à la formulation de ces hypothèses par le cerveau.

Une première étude réalisée à Harvard en 2006 par Camillo Padoa-Schioppa montre la présence dans le cortex orbitofrontal de neurones dont l’activité est proportionnelle à la valeur subjective donnée à une offre. Durant l’expérience, des macaques rhésus doivent choisir entre différentes paires issues de la combinaison d’une dizaine de récompenses liquides. Par exemple, six gouttes de thé vs deux de jus de pommes. Il y a une dimension quantitative et qualitative.

Modifier la décision de l’animal

Les chercheurs remarquent également que les offres sont représentées de manière binaire par les neurones : « Si du thé est proposé, certains neurones s’activent, si c’est du jus de pomme, d’autres neurones s’activent », détaille Sébastien Ballesta.

Les décisions de l’animale permettent ainsi de déterminer la valeur subjective accordée aux boissons. « Par exemple pour un singe donné une goutte de jus de pomme vaut trois gouttes et demi de thé. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, la décision dépend de ses goûts, de son humeur du moment… » Reste à prouver que ces signaux de valeur identifiés dans le cortex orbitofrontal sont bien impliqués dans la prise de décision et non dans d’autres processus tels que l’attention, l’apprentissage ou le contrôle moteur.

Pour le vérifier, en mai 2017 de nouvelles expériences, auxquelles participe Sébastien Ballesta, sont effectuées à l’Université Washington à Saint-Louis. « A l’aide de la micro-stimulation, nous sommes allés influencer l’activité des neurones du cortex orbitofrontal pour voir si nous pouvions modifier la décision de l’animal. » Résultat : « Nous sommes parvenus à moduler la valeur subjective accordée à tel ou tel jus ainsi qu’à perturber le processus de comparaison entre deux offres et par conséquent modifier les décisions de l’animal. »

Sur ce schéma, l’animal a le choix entre 1
unité de jus de pomme et 3 de thé à la menthe.

Les mêmes biais cognitifs que l’homme

La découverte, publiée dans Nature, pourrait permettre d’agir sur des pathologies comme l’obésité, les troubles obsessionnels compulsifs ou encore les addictions aux drogues. « Ces dernières impliquent souvent des complications dans la genèse et la comparaison des signaux de valeurs par le système nerveux. »

De son côté, Sébastien Ballesta poursuit ses recherches sur la prise de décision chez les primates de manière non invasive au Centre de primatologie de Strasbourg. « Nous avons remarqué que les singes et l’homme présentaient les mêmes biais cognitifs dans la prise de décision économique », note le chercheur qui s’intéresse également à l’implication de variables sociales dans la prise de décision.

Marion Riegert