PMA et don de gamètes, faut-il lever l’anonymat ?
13/10/2020
Professeur d’université et praticien hospitalier, Stéphane Viville s’est engagé en faveur du droit d’accès à leurs origines des enfants nés de dons de gamètes à travers notamment la rédaction d’un livre paru en octobre 2020. Un droit qui figure dans le projet de loi bioéthique. Adopté en deuxième lecture le 1er août, ce dernier repassera devant le Sénat prochainement pour une entrée en vigueur de la loi courant 2021.
Comment vous êtes-vous intéressé à ce sujet ?
« En tant que biologiste de la reproduction et généticien, c’est un sujet que je côtoie dans ma pratique médicale. Avant de devenir responsable de l’unité de génétique des infertilités en 2015, longtemps, j’ai été chef de service du laboratoire de biologie de la reproduction du Centre médico-chirurgical et obstétrical des Hôpitaux universitaires de Strasbourg au sein duquel se trouve un Centre d'étude et de conservation des œufs et du sperme (Cecos). Dans ce cadre, il y a une quinzaine d’années, j’ai rencontré lors d’un congrès une collègue de Lille née sous X qui cherchait ses géniteurs. Elle m’a sensibilisé au don de gamètes. A l’époque, je n’ai pas eu le temps de m’y plonger. Il y a cinq ans, la question a été abordée lors d’un brainstorming entre la Société européenne de médecine de la reproduction, dont je fais partie, et la Société européenne de génétique. Nous y avons notamment évoqué les tests génétiques disponibles en ligne qui permettent de mettre en contact les personnes ayant fait le test qui auraient des traits génétiques communs. Nous avons conclu que c’était la fin de l’anonymat du don. »
Vos premières publications ont-elles été reçues positivement?
« Je suis le premier professionnel de biologie de la reproduction à prendre un tel positionnement. J’ai écrit une première tribune dans le Monde en juillet 2017 pour dire que l’anonymat du don était obsolète. Elle a provoqué une levée de boucliers très forte, je me suis fait attaquer par les directeurs de Cecos. Par la suite, des sociologues, des juristes, des psychologues m’ont contacté. Des associations de personnes conçues par don m’ont invité. J’ai ensuite écrit différentes tribunes sur le sujet évoquant les tenants et les aboutissants liés à la pratique de ces tests génétiques et leurs conséquences. »
Pourquoi est-ce important de connaitre ses origines ?
« Beaucoup de personnes s’interrogent sur leurs origines, mais il faut distinguer deux choses : est-ce que c’est important ou est-ce que c’est un droit ? En 2002, la France a mis en place une aide pour les personnes nées sous X ou adoptées afin qu’elles puissent accéder à leurs origines. Pourquoi celles nées de dons n’y aurait-elles pas droit ? Il y a également un argument médical pour prévenir certaines maladies notamment héréditaires. Autre enjeu : l’incitation à informer l’enfant qu’il est issu d’un don. Ce qui limite les parents c’est que la seule réponse en cas de questions serait « on ne sait pas d’où tu viens. » »
La levée de l’anonymat risque-t-elle d'entrainer une baisse du nombre de donneurs ?
« Nous avons l’expérience d’autres pays dans lesquels les personnes peuvent accéder à l’identité du donneur et il n’y a pas eu de baisse du nombre de dons. Ce dernier reste anonyme, le couple ne le connait pas mais si, à 18 ans, la personne le souhaite, elle peut avoir accès à ses origines sans toutefois pouvoir contacter le donneur sans son accord. Et cela ne donne pas droit de filiation, par exemple la personne ne peut pas réclamer un héritage. En revanche, il n’y a pas de contre-effet, le donneur ne peut pas contacter la personne issue du don. Dire qu’il y aura une baisse de donneurs c’est de l’utilitarisme alors que l’accès aux origines est une question éthique. »
Marion Riegert
- Stéphane Viville sera à la librairie Kléber le mercredi 14 octobre à 17h30 pour parler de son ouvrage « L'accès aux origines, un droit humain » paru aux éditions Eyrolles.
L'histoire en chiffres
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1945 : Le premier article sur l’insémination extra-conjugale est publié par Mary Barton, une obstétricienne britannique.
Années 60/70, les dons de gamètes se pratiquent en cachette car ils sont assimilés à de l’adultère.
1973 : le docteur Georges David crée la première banque de sperme et le Centre d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos) sous Simone Weil. « A l’époque, c’était des précurseurs les mêmes qui aujourd’hui sont contre la levée de l’anonymat des dons. »