Regards pluridisciplinaires sur la religion
12/10/2020
Au cours de la deuxième édition du Forum des religions, le 16 octobre, des chercheurs seront présents lors d’ateliers thématiques durant lesquels ils échangeront avec le public. Rencontre avec trois d’entre eux.
Vincente Fortier est directrice de l’unité mixte de recherche Droit, religion,
entreprise et société (Dres). Photo MR
Religion, santé, droit
Vincente Fortier, directrice de l’unité mixte de recherche Droit, religion, entreprise et société (Dres) esquissera sous forme de rétrospective le récit français de la liberté de religion au temps de la pandémie. « Durant le confinement, puis le déconfinement, les restrictions à la liberté de religion ont peu retenu l’attention, pourtant il y a eu une tension inédite entre le droit à la protection de la santé, la sauvegarde de l’ordre public et la protection de la liberté fondamentale de religion. » La chercheuse distingue chronologiquement trois périodes : avant, pendant et après le confinement. « Chacune illustre une articulation singulière, parfois problématique, entre l’impératif de santé publique et la liberté religieuse. » Avec notamment le cas des difficultés rencontrées par les aumôniers qui se rendent d’ordinaire auprès des malades dans les hôpitaux. L’occasion aussi d’évoquer la collaboration « exemplaire » des différentes religions avec l’Etat au nom de la primauté de la vie. « Tous les représentants de culte de Strasbourg ont exhorté les fidèles à sauver des vies en restant chez eux. Avant que les restrictions gouvernementales n’arrivent, certains avaient déjà donné des directives pour limiter les regroupements tout en proposant des alternatives. » Blogs, sites internet… Les religions ont fait preuve d’une grande créativité et ont utilisé tous les moyens numériques à leur disposition pour assurer la continuité de la pratique religieuse.
Sébastien Milazzo est maitre de conférences en théologie systématique.
Photo DR
La religion : entre offre de sens et instrumentalisation
Sébastien Milazzo, maitre de conférences en théologie systématique reviendra lors de son atelier sur le concept de religion entre offre de sens et instrumentalisation. « Je vais m’intéresser aux conditions de possibilité d'une définition du concept de religion. Est-il seulement possible de dégager un concept de religion dès lors que l'on considère sa pluralité de faits (il y a des religions) et de traitements (il y a des discours religieux et des discours sur le religieux). Quel ordre du discours et du langage nous permettrait d'appréhender le mieux le religieux dans sa nature même ? », interroge le chercheur qui évoque également la question du sens : Comment la religion tend-elle à traduire et à fixer un besoin anthropologique, une pulsion vitale ? « A peine l'homme désire-t-il l'infini, que déjà, il constate l'échec naturel de sa propre finitude, le regard tendu vers le ciel, les pieds dans la terre. C’est au cœur de cette dialectique dynamique entre quête d’infini et constat de finitude que peut se définir le concept de religion. Ce dernier n'est donc pas une échappatoire au réel, il assume la diversité de ce dernier pour le transformer. Le concept de religion, que l'on soit croyant ou non, est un concept opératoire qui agit, c'est là sa fonction positive de cohésion sociale ou sa fonction négative d'instrumentalisation dans certains cas.»
Marco Ventura est chercheur associé à l’UMR (Dres). Photo DR
Les religions face à l’intelligence artificielle (Atelier annulé)
Marco Ventura, chercheur associé à l’UMR (Dres), s’intéressera pour sa part aux interactions qui existent entre religion et intelligence artificielle (IA). Il en distingue quatre. La première concerne le positionnement politique des religions face aux inquiétudes que suscite l’intelligence artificielle. « Les religions y voient une opportunité pour se replacer comme acteur du dialogue de société afin de construire une éthique de l’IA. » La seconde se traduit par l’intégration du numérique et de l’IA dans leurs ressources. « On l’a vu notamment durant le confinement et le recours massif des religions à internet. » Dans une troisième dimension, les organisations religieuses voient dans l’IA un moyen de développement. En février le Saint-Siège a signé un pacte avec Microsoft et IBM pour une IA éthique. « Les religions comprennent qu’il y a un enjeu pour la croissance et se demandent de quelle manière elles peuvent contribuer à faire grandir la technologie. Et pourquoi pas être à l’avant-garde ? » Un quatrième niveau concerne le passage d’une compétition dans la tradition, entre religion et pensée non religieuse (scientifique/technologique), à une compétition interne avec la religion des données et des algorithmes. « Une sorte de magie se crée en ligne autour du mystère de l’IA. Elle se transforme ainsi en croyance et devient un concurrent ultime avec une réactivation du langage religieux dans une sorte de nouveau sacrée. »
Les religions, qu’ont-elles encore à nous dire ?
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La Région Grand Est, l’Université de Strasbourg et la Ville de Strasbourg organisent conjointement le deuxième Forum des religions, du 15 au 18 octobre, à Strasbourg sur le thème : « Les religions, qu’ont-elles encore à nous dire ? ». Tables rondes, conférences, ateliers… durant 4 jours, dans différents lieux de la ville, universitaires et spécialistes reconnus viendront échanger et croiser leurs regards autour de différentes thématiques. Accessible à tous, croyants et non croyants, le forum permet de questionner les traditions et leur fonctionnement, en osant aussi la critique.
