Comment les macaques perçoivent-ils leur univers social ?
08/07/2020
Les macaques sont-ils capables de comprendre les amitiés entre leurs congénères ? Pour tenter de répondre à cette question, Jamie Whitehouse et Hélène Meunier, chercheurs au centre de primatologie de Strasbourg, se lancent en janvier 2019 dans une expérience auprès d’un groupe de 26 individus.
Toilettage, mimiques faciales apparentables à de l’amitié… Certains macaques ont des relations privilégiées. « La compréhension de ces interactions sociales par un autre singe est une habilité complexe. Chez les non-humains, c’est quelque chose qui a peu été mis en évidence », explique Jamie Whitehouse qui s’intéresse à un groupe de 26 macaques de Tonkean, une espèce socialement très tolérante, et plus particulièrement aux 19 adultes qui le composent.
« Comme un arbre dans le décor »
Première étape : observer ces animaux nés en captivité et vivant depuis 40 ans en semi-liberté dans un parc boisé d’un demi hectare à Strasbourg pour déterminer leurs liens d’amitié. « Durant quatre mois, nous avons suivi chaque macaque à différents horaires pendant 20 minutes d’affilée en notant ses faits et gestes. Nous adoptons un comportement spécifique qui permet de se faire oublier du singe, nous sommes comme un arbre dans le décor », sourit Hélène Meunier.
En parallèle, des enregistrements audio des conflits entre macaques sont réalisés. Une fois ce travail terminé, des conflits artificiels sont créés et joués à l’aide d’un haut-parleur devant un individu isolé. « Pour limiter le risque d’apprentissage peu d’essais sont réalisés par sujet », souligne Jamie Whitehouse qui précise que six combinaisons sont testées au total.
Des tests à l’aide d’écrans tactiles
Résultat : le sujet regarde en direction du haut-parleur lorsque le conflit implique deux amis même si celui-ci ne présente pas de lien d’amitié avec les individus concernés. « Ce qui s’explique par le fait qu’une dispute entre deux amis peut perturber l’équilibre du groupe. » Autre constat : quand le macaque a un ami impliqué dans le conflit son attention portée au haut-parleur est encore plus longue pouvant aller jusqu’à 25 secondes, soit le maximum observé. « Il se sent concerné car le conflit peut réorganiser son propre réseau social. » Enfin, s’il s’agit de macaques n’ayant aucun lien d’amitié entre eux, le temps d’observation est généralement très court, voire nul.
« Jusqu’à maintenant, les études montraient que les singes étaient plutôt influencés par des relations hiérarchiques et familiales. Ce qui n’est pas le cas ici, les singes sont moins sensibles s’il s’agit d’une relation entre apparentés qu’entre amis », note également Jamie Whitehouse qui s’étonne du peu de réactions des macaques qui restent assez statiques. « Ils n’ont bougé vers le haut-parleur que quatre fois au total, lorsque le conflit concernait un de leurs amis. » Pour approfondir ces résultats, les chercheurs souhaitent utiliser d’autres méthodes et notamment des écrans tactiles. « Nous allons montrer aux macaques des photos de différents individus et voir ce qu’ils connaissent de ces derniers. »
Marion Riegert