Cimetière, la mort sans confessions ?
31/10/2019
A Halloween, citrouilles et squelettes sont de sortie et pendant que certains se gavent de bonbons, d’autres vont se recueillir sur les tombes de leurs ancêtres pour la Toussaint. L’occasion de faire la tournée des cimetières avec Anne Fornerod, chercheuse spécialisée en droit des religions, qui s’est penchée sur la question du pluralisme religieux à travers un ouvrage paru aux Presses universitaires de Strasbourg. Le point en quelques dates clés.
Fin 18e, naissance du cimetière moderne
Les cimetières modernes tels que nous les connaissons, avec des sépultures individuelles, le principe de la concession et de la responsabilité des autorités publiques, apparaissent à la fin du 18e siècle. « Avant, il s’agissait de cimetières paroissiaux construits généralement autour des églises. En 1804, dans les grandes villes, ils sont externalisés pour des raisons de salubrité », souligne Anne Fornerod, membre de l’unité mixte de recherche Droit, religion, entreprise et société, qui s’intéresse à l’encadrement juridique des pratiques religieuses.
1881, la fin de la confessionnalité
En 1881, une loi laïcise les cimetières en mettant fin aux cimetières confessionnels et aux espaces par religion au sein des cimetières publics. Seule exception, l’Alsace-Moselle, où il est encore possible de créer des cimetières confessionnels, soumis à l’obligation d’accueillir des défunts d’autres religions. « Certains défunts souhaitent tout de même être enterrés entre coreligionnaires. » Une volonté qui peut être mise en œuvre par le maire à travers le regroupement de sépultures au sein des cimetières. « Ce dernier veille au respect de la neutralité du lieu, mais chacun demeure libre de choisir entre des funérailles civiles ou religieuses. L’organisation de funérailles républicaines par les mairies est encore à l’étude devant le Parlement. »
Années 1960/70, homogénéisation des sépultures et diversité des marques religieuses
Ces évolutions vont de pair avec un changement du rapport à la mort opéré depuis les années 1960/70. Les cimetières apparaissent comme le prolongement des changements qui caractérisent le religieux : l’homogénéisation des sépultures et de l’offre funéraire fait écho à la sécularisation et la diversité des symboles, comme les croissants ou les étoiles de David, renvoient à la pluralité religieuse. « D’un point de vue esthétique chacun peut faire ce qu’il souhaite. Parfois, les personnes ont recours à une tradition plus qu’à une croyance profonde, au croisement du culturel et du religieux, comme ça peut être le cas pour les croix présentes sur les tombes. »
2008, une loi pour encadrer la crémation
Autre changement : celui de l’augmentation exponentielle du recours à la crémation. « Il est accompagné du développement de columbariums et de jardins du souvenir où les cendres peuvent être dispersées », précise la chercheuse. « Avec en filigrane, un souhait de ne pas prendre de place, ne pas être un fardeau pour la famille. » Ce nouvel usage est encadré par une loi de 2008 précisant l’interdiction de disperser des cendres en dehors des cimetières.
Le pluralisme religieux s’observe ainsi à différents niveaux. D’abord à travers l’existence de cimetières publics et confessionnels mais aussi au sein-même de ces cimetières devenus de véritables lieux d’intégration et de cohabitation réconciliant les vivants dans la mort.
Marion Riegert
Un ouvrage aux Presses universitaires de Strasbourg
Documents
Édité par Anne Fornerod Le pluralisme religieux dans les cimetières en Europe, collection - Société, droit et religion, paru aux Presses universitaires de Strasbourg en juin 2019, fait suite à un projet de recherche sur le sujet. « Nous nous étions aperçus que les cimetières étaient un lieu d’observation intéressant des évolutions du pluralisme religieux », explique Anne Fornerod.
L’ouvrage fort de 10 contributions est divisé en deux parties. La première s’intéresse à la question de l’articulation de la législation funéraire et du droit des religions en Europe. La seconde porte sur l’appréhension des cimetières par les traditions religieuses avec par exemple les pratiques des Chinois en France. « Ce qui m’a étonnée c’est que la question des cimetières n’est pas aussi centrale dans ces traditions qui s’intéressent plus au devenir de l’âme du défunt. Le cimetière restant une réalité terrestre. »